Reconnaître les acquis et les compétences des enseignants
Est-il souhaitable de proposer une formation qualifiante allégée pour obtenir un brevet en enseignement?
Certainement pas. En tant que directions d’établissement scolaire, nous sommes d’abord et avant tout des enseignants devenus les leaders pédagogiques de nos équipes et à ce titre, nous ne pouvons que nous opposer à tout nivellement par le bas au nom de l’urgence.
Permettre à chaque élève d’avoir accès à une éducation de qualité est un droit universel reconnu dans les chartes. Le corollaire, c’est que le personnel qui occupe la fonction cruciale d’enseigner doit être dûment formé et qualifié. Sacrifier la qualité de l’enseignement en allégeant la formation des maîtres est donc une fausse bonne idée qui risque d’entraîner des conséquences lourdes, voire dévastatrices, pour la réussite éducative au Québec.
Face à une situation réelle de pénurie de personnel de tous les métiers de l’éducation, quelles solutions envisager à court et moyen terme ? Revoir les formations, du moins partiellement, afin d’appliquer des modèles d’apprentissage personnalisés et mieux adaptés, notamment ceux mis de l’avant par l’UNESCO[1].
Afin de reconnaître les apprentissages réalisés et les compétences développées en situation d’emploi ou lors de formations antérieures, il faut :
- Reconnaître des crédits pour les compétences déjà acquises avant d’entreprendre toute formation en enseignement, que ce soit la formation initiale, la maîtrise qualifiante ou toute autre formation complète reconnue.
- Revoir le contenu et la durée du baccalauréat en éducation (formation initiale). Avant d’une durée de trois ans, suivie d’une année probatoire en exercice, il serait possible de condenser les savoirs théoriques et, dès la 2e année, favoriser une alternance études-travail en reconnaissant les apprentissages réalisés en emploi.
- Multiplier les projets de collaboration entre les universités et les centres de services scolaires (CSS) pour doter toutes les régions de projets d’alternance études-travail, la période travail étant évidemment rémunérée et reconnue sur le plan des apprentissages et des compétences acquises.
Une telle reconnaissance des acquis et des compétences permettrait de doter le Québec de personnel qualifié tout en maintenant des normes élevées en termes de qualification.
Afin de répondre aux besoins pressants, il serait temporairement possible de proposer des parcours plus courts pour un niveau intermédiaire de qualification. Par exemple, un brevet de base pourrait être attribué après 30 crédits, mais nécessiterait un parcours probatoire et des formations d’appoint en cours d’exercice.
Quant à l’idée esquissée par le ministre Bernard Drainville de réduire la durée du baccalauréat de quatre ans à trois ans, elle doit être assortie de conditions favorables, notamment en ce qui a trait à l’accompagnement et à la nature des tâches proposées, alors que les équipes sont déjà sous pression. Réactiver des modèles de formation datant des années 1980 alors que nous faisions face à un surplus de personnel qualifié en enseignement ne résoudra pas le problème. Il faut se doter de solutions modernes, personnalisées et équitables.
Il faut également favoriser l’attraction et la rétention des enseignantes et des enseignants notamment par un meilleur soutien à l’insertion professionnelle, des tâches adaptées au niveau d’expérience et des aménagements de l’horaire favorisant le réseautage professionnel et les pratiques collaboratives.
En concertation
Quelles que soient les voies de solution envisagées, l’éducation est une affaire de société et tout changement fondamental doit impérativement se débattre avec les premiers concernés, les personnes qui enseignent, accompagnent et gèrent. Nous serons toujours ouverts au dialogue et à la collaboration.
1. Rapport de l’UNESCO 2022-2029 Des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous, p. 33
KATHLEEN LEGAULT, présidente
AMDES
Lettre ouverte parue dans Le Presse, le 19 septembre 2023